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2014-01 ARGENTINE-CHILI De Perito Moreno à Santiago

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Chili Sud, le début du beau temps


Fin décembre en Argentine.

Nos vélos ont hâte de se perdre dans le calme d’un chaleureux paysage, loin du vent patagon, de la neige, et du ripio qui les disloque, les sature de poussière et voile les roues, …

Au final, on se rende compte qu’on n’est pas si intrépides que ça.

Réparation de l'axe de la roue

Avancer, en poussant nos vélos chargés pendant des heures, voire des jours, pour découvrir un paysage qui ne cesse de fouetter le visage, ça ne nous dit rien.

Le voyage à vélo suppose avant tout une agréable promenade, évidement avec quelques difficultés, mais surtout pas la torture.

Bref, le matin du 28 décembre, après une dernière soirée à Los Antiguos, dans le sud argentin, avec Anne-Marie et Gabriel, (chronique précédente) nous voila en train de quitter ce paysage hostile.

Mais dans notre impatience pour partir nous n’avons pas choisi, hélas, la meilleure compagnie. Comment aurait-on pu imaginer ce qui se cachait derrière le gentil masque bien travaillé de cet homme de plus de 70 ans, dénommé Carlos, voisin d’Anne Marie et Gabriel au camping de Los Antiguos, et avec qui nous avions passé la Noël ?
Mauvais et dangereux conducteur de son petit camion, acariâtre, impatient, de mauvaise foi, il nous a tout de même sorti du froid, du vent et de la poussière.
Cette péripétie nous a conduits, d’un saut, à Barriloche, puis nous sommes entrés au Chili par la porte qui joint Barriloche à Osorno. Le soir du 29 décembre, enfin dans l’accalmie d’Osorno, nous pensions à Anne Marie et Gabriel restés à Los Antiguos. A quelques 800 km au sud, loin de nous.

Bienvenu 2014 et bienvenu aussi le petit soleil de Valdivia!

Quel grand bien cette tiédeur et cette paisible lumière. C’est l’été austral au Chili et les rues sont animées des vacanciers, forains et locaux.

La flânerie citadine nous mène au marché fluvial où il n’y a rien d’autre à faire que se laisser captiver par l’image la plus singulière de Valdivia : des centaines d’oiseaux et des loups marins qui se partagent les viscères et autres restes de poissons, jetés par les pêcheurs du marché.

Les loups, lourds comme ils sont, osent même passer par les quelques trous dans le grillage pour se mettre aux pieds des pêcheurs et ainsi essayer d’attraper le plus beau morceau.

Leur journée se passe entre la rivière, le marché et le trottoir, en mangeant, en jouant, en dormant. Aqua-cirque au naturel !

Par la « costera », petites routes longeant la côte, nous avons essayé d’avancer vers le nord. Mais à trois jours de route, à Puerto Saavedra, nous nous sommes rendu compte que ces chemins ne nous permettraient pas d’aller plus loin.

Les abords de mer sont scabreux et raides, fréquentés par des 4X4 et des pic-up, tellement courants par ici, et surtout par de lourds et longs camions chargés de bois. En plus, le pénible ripio (route de graviers ou petits galets) est partout. Et dans ce cirque de collines, on est entouré de d’interminables plantations d’eucalyptus et de pins, alors qu’on entend parler d’incendie partout.

Après Puerto Saavedra on s’éloignera de la mer, pour prendre une place sur le bord des petites routes laconiques, fortement ballonnées et serpentées, elles aussi presque essentiellement fréquentées par les camions transporteurs du bois.


Ainsi nous avons traversés Nueva Imperial, Triguén, Puren et Cabañete, villes de l’Araucanie, qu’on appelle aussi le « Territorio Mapuche ».

On croyait qu’on allait repérer des communautés Mapuche dissimulées quelque part dans les forêts. Mais non. La seule ethnie chilienne encore révoltée contre la conquête espagnole s’assimile, malgré elle, de plus en plus à la population moderne.


On rejoindra la mer à la baie d’Arauco. A la COPEC, station service chilienne à l’entrée de la ville, Marina repère le drapeau mexicain ondulant sur le vélo de Gema.

Elle et Ivan, son mari, nous abordent, et dans l’émotion qui inonde deux compatriotes qui se rencontrent dans l’exil, ils se proposent pour nous loger.

Alors qu’ils étaient sur le point de sortir, ils ont fait demi-tour jusqu’à leur maison pour nous installer. Sans rien connaitre de nous sinon nos nationalités et quelques brins de notre voyage, ils sont partis, nous laissant dans leur grande maison, avec leur clefs et toutes leurs affaires à notre portée.

Un témoignage de confiance des plus flatteurs.

Marina, médecin mexicaine, habite depuis 10 ans à Arauco avec Ivan, de nationalité chilienne, et leurs deux enfants, Guillermo et Diégo.

Les affections culturelles entre les deux filles se sont, en peu de temps, transformées en débuts d’amitié entre les deux couples. Pour être bref, Ivan et Marina , qui nous ont bichonnés pendant quelques jours, nous ont aussi intégrés à toute leur famille. D’ailleurs, on serait encore chez eux si on les avait écoutés.

Avec Ivan, ingénieur forestier, nous avons beaucoup appris sur l’aménagement des forêts du pays et la lutte continuelle contre les fréquents incendies. Tous les deux nous ont fait découvrir l’univers de la maison d’une famille chilienne qui vit très bien, en partageant avec nous vraiment tout ce qu’ils avaient.

En plus de cela, ils nous ont mis en contact avec Ruth, la maman de Ivan, qui a partagé avec nous quelques épisodes de sa vie en nous accueillant à Concepción, et aussi avec leurs amis Ruth et Sergio, qui nous ont fait découvrir la région de Chillan et Bulnès en l’espace d’un week-end ; puis avec Maria Elena, Hernan et leurs enfants, chez qui nous avons passé deux jours à Curicó ; eux mêmes nous ont fait faire la connaissance de la famille de Juan Carlos chez qui nous avons passé tous ensemble une belle soirée autour, évidemment, d’un excellent « asado » (barbecue sud-américain) préparé par Hernan.

En l’espace de quelques jours, notre voyage a pris une autre dimension. On était devenus plus que deux petits étrangers perdus dans la nature, on était comme partie d’une nouvelle famille, se sentant de plus en plus dans le rêve, l’humour et la préoccupation de la population chilienne.

De rencontre en rencontre nous sommes arrivés à Talca, où personne ne nous attendait. Mais, encore une fois, l’accueil spontané et chaleureux des chiliens nous était destiné.

Dans la rue où Gema zigzaguait à la recherche d’un hôtel, Patricio, qui nous observait à distance, est venu se présenter à Jean-François pour nous proposer sa demeure pour nous loger. Gema s’est un peu méfiée, mais c’était à tort. Ce soir là, après une douche et le repas de « las once »* avec Patricio et Alejandra, sa grande fille, nous sommes partis tous les quatre à la rencontre de Tere, femme de Patricio, à la sortie de son travail.

Comme une famille de cinq se promène dans sa voiture, nous avons roulé avec eux dans les rues éclairées de Talca (vers les 22h) pour aller rendre visite aux grands parents.

On pourrait presque imaginer que la plupart des chiliens sont comme ça, ouverts et compatissants envers les étrangers. En tout cas, ils expriment toujours leur curiosité, leur admiration pour notre périple, et leur envie de voyager.

Globalement, le Chili nous donne l’impression d’un pays très civilisé et très organisé. Dans les quartiers des villes et les zones rurales, les services évoluent grâce à des projets présentés par leurs propres habitants. Dans les commerces, aussi minuscules soient-ils, lors d’un achat, on a systématiquement un ticket ou un billet fait main, certifiant que la vente est bien rentrée dans la comptabilité.

Les échanges avec les gens sont toujours très riches. Les Chiliens sont bien au courant de l’actualité de leur pays, de son histoire métisse, conscients aussi de ses besoins et ses limites.

Curieusement, le peuple chilien cultive deux fiertés opposées. D’un côté, ils d’identifient tous à Lautaro, le grand « cacique Mapuche » résistant aux Espagnols et de l’autre, ils reconnaissaient tous Pedro de Valdivia, le conquérant Espagnol, comme Père de leur Patrie.

Cela a fini par construire un peuple fortement européen avec un cœur bien amérindien.

Sur les chemins des Andes, tout nous paraît relativement simple. Sauf ce malheureux barbelé sur tous les bords de routes qui empêche le voyageur à vélo d’apprécier son espace, de vivre ce plaisir de s’écarter de la route vers le calme d’un paysage ombragé.
Mais il lui fallait bien un quelconque défaut à ce perfectionniste pays.

Au moment où nous vous écrivons ce message, nous sommes dans le silence d’une des plus grandes et plus belles salles de la Bibliothèque Nationale de Chili.

Nous sommes à Santiago depuis quelques jours.

Nous passons nos matinées parmi beaucoup de « santiaguinos » studieux, autour d’une table pour vous donner de nos nouvelles.

Le jour même de notre arrivée Santiago nous donnait déjà cette impression de nervosité et de méfiance propre aux grandes capitales. Mais de gens affables il y en a partout, même dans ces grandes villes.

Mayo et Alvaro, les deux jeunes chez qui nous logeons dans la ville capitale, font partie du réseau Warm Showers, une communauté internationale pour les cyclo-randonneurs. Le jeune couple tient un magasin de vélos.

Pour eux, partager leur espace et leur temps avec ceux qui aiment le vélo va de soit. Après le vélo, leur passion c’est leurs chiennes. Ils en ont trois. Végétariennes, comme eux.

Pour profiter du dimanche avec eux, nous sommes allés à Algarrobo pour déjeuner dans la maison de vacances des parents d’Alvaro. Et, comme en Europe, après le repas de midi, est venue la promenade sur la longue étendue maritime, belle cité balnéaire au pied de la forêt.

C’est comme si, en échange des clôtures fermées, le Chili nous ouvrait un chemin vers le cœur de sa population, vers sa culture, vers l’amitié.
Espérons seulement que cela continue.

Nous quitterons la ville de Santiago dans deux jours pour continuer vers le nord du pays. Depuis que Marco et Anne Prune sont au Pérou, plus que jamais, nous avons envie d’avancer.

On espère que tout va bien dans vos projets et que le beau soleil ne tardera pas à vous réchauffer.

On vous embrasse bien fort et on vous dit à très bientôt !!!

* Once, ou onze en français, est le nombre de lettres de « Aguardiente » (eau de vie).


Autrefois interdite de consommation, c’était une façon d’en demander sans en prononcer le mot. Actuellement, ce mot désigne, au Chili, un repas pris entre 16h et 20h, dans lequel on mange généralement du pain dit français, des sopaipillas (sorte de galettes locales) avec de l’avocat, du jambon, du fromage et quelque confiture. Le tout, accompagné très souvent avec du thé.



Jouez, ce piano est le vôtre !


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